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9 octobre 1830. — Si l’on se voulait reporter aux poèmes de légende et d’histoire, aux poèmes de guerre et de paix proprement dits, aux poèmes polémiques, aux poèmes professionnels de la guerre et de la paix, je triompherais trop aisément moi-même ; Eviradnus, le petit roi de Galice, qui sont réussis, tant d’autres, sont-ce là des poèmes de paix ? Mais laissons la Légende des Siècles ; dans cette nuée d’anciens poèmes, privés, plus ou moins intimes, ignorés aujourd’hui, oubliés, perdus, quelques-uns à tort, il n’y a qu’à feuilleter son œuvre ; les Rayons et les Ombres ; IV ; regard jeté dans une mansarde ; i ; ii ; iii :

L’angle de la cellule abrite un lit paisible.
Sur la table est ce livre où Dieu se fait visible,
La légende des saints, seul et vrai panthéon.
Et dans un coin obscur, près de la cheminée,
Entre la bonne Vierge et le buis de l’année,
Quatre épingles au mur fixent Napoléon.

Cet aigle en cette cage ! — et pourquoi non ? dans l’ombre
De cette chambre étroite et calme, où rien n’est sombre,
Où dort la belle enfant, douce comme son lis,
Où tant de paix, de grâce et de joie est versée,
Je ne hais pas d’entendre au fond de ma pensée
Le bruit des lourds canons roulant vers Austerlitz.

Et près de l’empereur devant qui tout s’incline,
— Ô légitime orgueil de la pauvre orpheline ! —
Brille une croix d’honneur, signe humble et triomphant,
Croix d’un soldat tombé comme tout héros tombe,
Et qui, père endormi, fait du fond de sa tombe
Veiller un peu de gloire auprès de son enfant.