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de Français se dirent que si enfin le fait imminent devait se faire, il aurait tout de même été plus agréable d’avoir pour général en chef un certain général Napoléon Bonaparte, et d’être commandé par lui, que d’avoir pour général en chef un excellent général de défense républicaine, l’honorable monsieur le général Brugère. Il y a des moments, dans la vie d’un peuple, où l’instinct reprend si impudemment le dessus, que l’on serait capable de préférer un général en chef de défense militaire à un général en chef de défense républicaine.

Toute cette hypocrisie pacifiste populaire, si éminemment représentée en Hugo, et d’ailleurs culminant sur le nom de Napoléon, devait culminer éminemment en la situation personnelle de Hugo envers Napoléon. Et en effet rien n’est, dans cet ordre, aussi éminemment et uniquement représentatif que cette situation. Rien n’est aussi curieux. Rien n’est aussi saisissant. Disons le mot, car le vieil Hugo ne s’embêtait pas tous les jours comme un burgrave, rien n’est aussi amusant. Il n’y a pas un homme au monde, il n’y a jamais eu un homme dans toute l’histoire du monde, qui ait rendu autant de services à Victor Hugo que Napoléon Bonaparte, si ce n’est Napoléon premier, aucun homme, non pas même Dieu, dont pourtant il s’est beaucoup servi, non pas même Hugo même. Admirable, unique fournisseur d’inspirations. Et quand ce ne serait que cette admirable antithèse entre les grandeurs de Napoléon le Grand et les petitesses de Napoléon le Petit.

Relisez avec un peu d’attention critique les Châtiments ; c’est-à-dire, les lisant dans le livre ou dans votre mémoire, sur le texte, luttez un peu, si vous le pouvez,