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de bout en bout, à retrouver en lui toutes ses hérédités, toutes ses réalités françaises, classiques et chrétiennes ? Ça, c’est un beau problème.

L’ascension commença… Non, pas l’ascension, il s’agit d’un approfondissement de l’être. Péguy commence de descendre en lui-même vers sa vérité propre. Il commence à se libérer de tous ses maîtres. Les professeurs viennent verser en nous leur enseignement. Accueillons-les avec gratitude. Mais ensuite il faut que nous nous débarrassions de tout cela, pour retrouver notre vraie nature. Péguy, pendant plusieurs années, s’est débattu furieusement contre tout ce que la Sorbonne avait versé sur le petit paysan qu’il était. Comme il fut injuste ! Comme il avait raison ! C’est bien beau de se mettre dans de telles colères.

En 1899, au cours d’une maladie dont il parle longuement dans ses Cahiers de février 1900 et suivants, sous ce titre : De la Grippe, il lut Pascal. Jusqu’alors il connaissait fort peu les Pensées. À cette première lecture, il comprit Pascal du point de vue de l’intelligence pure. Et le fait curieux, c’est que le jour où il le comprit en croyant, il s’en détacha. L’ascétisme de cœur, l’isolement d’un Pascal lui déplaisait. Il en a fait la confidence à Peslouan. Son sentiment le porta alors vers saint Louis qui devint son guide[1]. Puis il s’attacha à la liturgie romaine, dont il aima le latin au point qu’il le prétendit bientôt supérieur à tout autre.

  1. Sainte-Beuve disait : « Avoir le Saint Louis de Joinville, — le Saint Louis de Tillemont, — le Saint Louis de M. de Wailly, — le Saint Louis de M. Zeller, — le petit Saint Louis de M. de Chennevières ». Et moi j’ajoute : se mêler à la familiarité de Joinville comme faisait Péguy.