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Ici encore nous n’avons qu’une première leçon ; et déjà l’on ne peut pas dire que ces vers soient précisément des vers pacifiques ; encore moins sont-ils des vers pacifistes. Mais la leçon définitive :

Sentit que la bataille entre ses maL’homme inquiet
Sentit que la bataille entre ses mains pliait.
Derrière un mamelon la garde était massée,
La garde, espoir suprême et suprême pensée !
— Allons ! faites donner la garde, cria-t-il, —
Et lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,
Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,
Comprenant qu’ils allaient mourir dans cette fête,
Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête.
Leur bouche, d’un seul cri, dit : vive l’empereur !
Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,
Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,
La garde impériale entra dans la fournaise.

Je le demande, ces inoubliables vers, ces vers militaires, culmination de la guerre et de la gloire, ces vers qui sont réussis, est-ce là des vers pacifistes ?

Hélas ! Napoléon, sur sa garde penché,
Regardait ; et, sitôt qu’ils avaient débouché
Sous les sombres canons crachant des jets de soufre,
Voyait, l’un après l’autre, en cet horrible gouffre,
Fondre ces régiments de granit et d’acier.
Comme fond une cire au souffle d’un brasier.