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Et tous ces objets de malédiction lui avaient surtout servi à faire de beaux vers. Vieux malin, roué comme le peuple, dans le peuple, et double comme lui, comme ce peuple qu’il représentait si éminemment, quand il voulait faire de mauvais poèmes ou quand il ne voulait pas faire de poèmes du tout, il prenait le soin de les faire pacifistes ; et quand au contraire il voulait faire de beaux poèmes, le malin, comme par hasard il courait en redemander à ses amis ennemis messieurs les militaires.

On peut prendre absolument au hasard. Les mêmes Châtiments, livre VI, la stabilité est assurée, i, Napoléon III. Et au hasard parmi les vers :

C’est pour toi qu’on a fait toute cette Iliade !
C’est pour toi qu’on livra ces combats inouïs !
C’est pour toi que Murat, aux Russes éblouis,
Terrible, apparaissait, cravachant leur armée !
C’est pour toi qu’à travers la flamme et la fumée
Les grenadiers pensifs s’avançaient à pas lents !

Nous n’avons ici qu’une ébauche, ou, si l’on veut, une première leçon. Et encore, même poème, un peu plus loin ; toujours au hasard :

C’est pour monsieur Fialin et pour monsieur Mocquart,
Que Lannes d’un boulet eut la cuisse coupée,
Que le front des soldats, entrouvert par l’épée,
Saigna sous le shako, le casque et le colback,
Que Lasalle à Wagram, Duroc à Reichenbach,
Expirèrent frappés au milieu de leur route,
Que Caulaincourt tomba dans la grande redoute,
Et que la vieille garde est morte à Waterloo !