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plus grands, plus aimés, un Lamartine, un Vigny même, si grand et peut-être unique au monde, même un Racine ; le seul Corneille, peut-être, le plus grand de tous, le seul Corneille aurait pu soutenir la comparaison, peut-être, s’il avait voulu ; mais quand il avait Polyeucte dans le ventre, il aurait eu du temps de reste, que de s’amuser à faire des musiques militaires ; et quand il n’eut plus Polyeucte dans le ventre, il était devenu bien incapable de faire même des musiques militaires.

Impérieux Hugo ; non pas des vers qui chantent dans la mémoire, mais des vers qui impérieusement, impérialement sonnent, battent, retentissent, martelés, scandés, d’un tel rythme et d’un tel tambour qu’ils commandent le pas dont on marche, qu’ils entrent dans les jarrets, et qu’une fois qu’ils sont entrés dans la mémoire, lus une fois, entendus une fois, non seulement ils ne sortiront plus de la mémoire, jamais, mais que le moment venu, ils chasseront, brutes impériales, insoutenables régiments, tous les autres vers de tous les autres poètes, et vous forceront à marcher au pas, du même pas, de leur pas.

Non pas vers qui chantent dans la mémoire, mais vers qui dans la mémoire sonnent et retentissent comme une fanfare, vibrants, trépidants, sonnant comme une fanfare, sonnant comme une charge, tambour éternel, et qui battra dans les mémoires françaises longtemps après que les réglementaires tambours auront cessé de battre au front des régiments.

Vers qui chantent, si l’on veut, mais comme une chanson de marche, brutale et rythmée, non comme