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À Paris, capitale des peuples, comme le dit ce Hugo en sa dédicace de l’Année terrible.

Lui-même singulier Hugo, roi des fêtes royales populaires, prince des cortèges, duc des grands enterrements, introducteur des ambassadeurs, et grand organisateur des funérailles nationales, à commencer par les siennes, ami des pompes, même funèbres, ami des pompes, même républicaines, ami des oraisons, même funèbres, qu’il excellait à faire en grands vers tristes, ordonnateur des funérailles somptueuses ; vous l’eussiez vu, faibles gens qui vous époumonnez pour instituer parmi nous un culte nouveau, vous l’eussiez vu, s’il vivait : c’est lui qui vous aurait eu magnifiquement enterré Zola ; beaucoup moins bien que soi-même ; mais très bien encore, très au-dessous ; ce n’était pas lui qui vous eût confondu des funérailles nationales avec des obsèques officielles (Pierre Savorgnan de Brazza) ; rêvant ainsi, marchant ainsi, promenant du pied gauche, et regardant comme on pouvait, quels autres vers que les siens, quels autres vers que des vers de Hugo pouvaient remonter dans la mémoire : je vous défie bien de voir en passant quarante gardes républicains à cheval rangés devant le Panthéon place du Panthéon, rue Soufflot, en demi-cercle, en peloton, en ligne, et fût-ce pour y assurer le plus banal des services d’ordre, sans qu’aussitôt ce soient des vers de Hugo qui des profondeurs impérieusement vous remontent à la surface de la mémoire ; en de tels moments, publics, dans ces publiques solennités, quand l’homme n’est plus lui-même, un homme, un citoyen, une conscience, un cœur, mais lui-même, lui aussi un homme public, en de tels moments que deviennent les poètes