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nent les peuples, les cultures, les talents, les génies, toutes les créations humaines, et les humanités mêmes, et si vraiment d’abord ces conditions extérieures, antérieures et ambiantes, déterminent rigoureusement les conditions humaines, et les créations humaines, si de telles causes déterminent rigoureusement de tels effets par une liaison causale rigoureusement déterminante, nous tenons vraiment le secret du génie même, du talent, des peuples et des cultures, le secret de toute humanité ; on me pardonnera de parler enfin un langage théologique ; la fréquentation de Renan, sinon de Taine, m’y conduit ; Renan, plus averti, plus philosophe, plus artiste, plus homme du monde, — et par conséquent plus respectueux de la divinité, — plus hellénique et ainsi plus averti que les dieux sont jaloux de leurs attributions, Renan, plus renseigné n’avait guère usurpé que sur les attributions du Dieu tout connaissant ; Taine, plus rentré, plus têtu, plus docte, plus enfoncé, plus enfant aussi, étant plus professeur, surtout plus entier, usurpe aujourd’hui sur la création même ; il entreprend sur Dieu créateur.

Dans sa grande franchise et netteté universitaire il passe d’un énorme degré les anticipations précautionneuses de Renan ; Renan ne donnerait pas prise à de tels reproches ; il ne donnerait pas matière à de telles critiques ; il ne donnerait pas cours à de tels ridicules ; Renan n’était point travaillé de ces hypertrophies ; lui-même il endossait trop bien le personnage de ses adversaires, de ses contradicteurs, de ses critiques éventuels ; toute la forme de pensée, toute sa méthode, tous ses goûts, tout son passé, toute sa vie de travail, de mesure, de goût, de sagesse le gardaient contre de