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morale, morale socialiste et héroïque et qui ne pouvait se conserver que par une culture constante en héroïsme, morale d’un optimisme un peu déconcertant, morale qui l’animera encore en 1914 (à cette dernière date pourtant un peu attristée par les expériences de la vie).

Au sortir de la caserne, Péguy décida de faire une nouvelle année de rhétorique, et boursier à Sainte-Barbe suivit les cours de Louis-le-Grand, puis il entra à l’École Normale.

C’est dans ce temps qu’il commença de recruter ses troupes et ses amitiés. Dès Sainte-Barbe, je crois, les Tharaud et Charles de Peslouan. Le trait qui pour ma part me frappe le plus chez Péguy, c’est la vertu qu’il avait d’embaucher des dévouements. Je me propose dans ces pages hâtives de recueillir des témoignages qui enrichissent l’expérience personnelle que j’ai de ce noble et singulier personnage, mais pour définir mon idée propre, je devrais dire que je le tiens pour une sorte de moine destiné à réformer son ordre et à grouper des bonnes volontés.

Péguy avait le sens de l’amitié. Cela se rattache à son système d’optimisme. Il aimait toutes les formes, toutes les classes d’humanité ; il voulait les introduire toutes dans la cité socialiste ; il les aimait au travers de certains êtres choisis. Ses amis lui étaient des représentations à la fois réelles et sentimentales du monde. Il avait de l’amitié pour les morts aussi et même pour les êtres de pure imagination, Platon ou Polyeucte par exemple. Ses amis, il les différenciait, leur attribuait des rôles et des grades dans son armée ou si vous voulez dans l’univers que sa pensée organisait