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été peut-être plus grand qu’Alexandre ; tel cœur de femme qui n’a dit mot de sa vie a mieux senti que le poëte le plus harmonieux. — Je parle de la vie par influence, ou, selon l’expression des mystiques, de la vie en Dieu. La vie humaine, par son revers moral, écrit un petit sillon, comme la pointe d’un compas, au sein de l’infini. Cet arc de cercle tracé en Dieu n’a pas plus de fin que Dieu. C’est dans le souvenir de Dieu que les hommes sont immortels. L’opinion que la conscience absolue a de lui, le souvenir qu’elle garde de lui, voilà la vraie vie du juste, et cette vie-là est éternelle. Sans doute il y a de l’anthropomorphisme à prêter à Dieu une conscience comme la nôtre ; mais l’usage des expressions anthropomorphiques en théologie est inévitable ;il n’a pas plus d’inconvénient que l’emploi de toute autre figure ou métaphore. Le langage devient impossible, si l’on pousse à l’excès le purisme à cet égard.

Eudoxe.

« C’est entendu ; mais vous ne nous avez pas expliqué comment on peut parler de réelle existence sans conscience.

Théoctiste.

« La conscience est peut-être une forme secondaire de l’existence. Un tel mot n’a plus de sens quand on veut l’appliquer au tout, à l’univers, à Dieu. Conscience suppose une limitation, une opposition du moi et du non-moi, qui est la négation même de l’infini. Ce qui est éternel, c’est l’idée. La matière est chose toute relative ; elle n’est pas réellement ce qui est ; elle est la cou-