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nous nommons tous la résurrection des morts, mais que la surhumanité Dieu, dans les rêves de ce Théoctiste, obtient la totalisation de sa mémoire par une reconstitution historique, par une totalisation de l’histoire, par la résurrection des historiens, par le règne et par l’éternité de l’Historien.

Théoctiste.

« Dites mieux, la résurrection des individus. Sur ce point, je m’écarte des conceptions, merveilleuses du reste de poésie et d’idéal, où s’éleva le génie grec. Platon ne me paraît pas recevable quand il soutient que la mort est un bien, l’état philosophique par excellence. Il n’est pas vrai que la perfection de l’âme, comme il est dit dans le Phédon, soit d’être le plus possible détachée du corps. L’âme sans corps est une chimère, puisque rien ne nous a jamais révélé un pareil mode d’exister.

« Oui, je conçois la possibilité de la résurrection, et je me dis souvent comme Job : Reposita est hæc spes in sinu meo. Au terme des évolutions successives, si l’univers est jamais ramené à un seul être absolu, cet être sera la vie complète de tous ; il renouvellera en lui la vie des êtres disparus, ou, si l’on aime mieux, en son sein revivront tous ceux qui ont été. Quand Dieu sera en même temps parfait et tout-puissant, c’est-à-dire quand l’omnipotence scientifique sera concentrée entre les mains d’un être bon et droit, cet être voudra ressusciter le passé, pour en réparer les innombrables iniquités. Dieu existera de plus en plus ; plus il existera, plus il sera juste. Il le sera pleinement le jour où quiconque aura