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Ces réflexions, pleines de jeunesse et d’optimisme, Péguy déjà les notait ; il les publiera en août 1897 dans la Revue socialiste sous ce titre, De la cité socialiste, et ce sera quasi son premier ouvrage (exactement sa troisième publication). Il ne voit pas qu’il décrit tout simplement la cité chrétienne. Dans cette Salente de son rêve, les fortunes ne seront pas nécessairement égalisées, les hiérarchies subsisteront, avec cette seule différence que ce ne seront pas des hiérarchies capitalistes. Dans ce sens, l’Armée est une représentation bien imparfaite, mais encore la plus tangible que Péguy ait de la cité future, et plus tard quand il parlera socialisme, ce sera souvent dans le métier militaire qu’il prendra des images. Du métier militaire, en principe, tout lui agrée. Il admire que les soldes d’officiers soient si modiques, juste ce qu’il faut pour qu’ils vivent. Cela s’accorde avec son idée d’un individu et d’une société nobles. À l’encontre des camarades qu’il allait avoir dans le parti socialiste, il ne refuse pas les galons. Aussitôt que possible il passera les examens d’officier de réserve. Il se plaît au régiment et il y plaît. Comme au lycée, l’estime de ses professeurs, il a l’estime de ses chefs. « Il demandait peu, me dit un témoin de ces premières années. À cette époque dans l’ordre social, il était extrêmement modeste. Qu’un officier, qu’un professeur causât familièrement avec lui, il en était comme le manœuvre vis-à-vis du chef d’entreprise, reconnaissant et flatté. » On n’imagine pas de jeune figure française plus sympathique que cet adolescent.

J’estime que dès la fin de son service militaire, Péguy avait complètement constitué en lui-même sa