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modernes, et de tous les savants, ne les endosserait ; et non seulement il n’est personne aujourd’hui qui ne les renie, mais il n’est personne au fond qui n’en veuille à l’ancien d’avoir aussi honteusement montré sa pensée de derrière la tête ; nous au contraire, qui n’avons aucun honneur professionnel engagé dans ce débat, remercions Renan d’avoir, à la fin de sa pleine carrière, à l’âge où l’homme fait son compte et sa caisse et le bilan de sa vie et la liquidation de sa pensée, achevé de nous éclairer sur les lointains arrière-plans de ses rêves ; par lui, en lui nous pouvons saisir enfin toute l’orientation de la pensée moderne, son désir secret, son rêve occulte.

« On imagine donc (sans doute hors de notre planète) la possibilité d’êtres auprès desquels l’homme serait presque aussi peu de chose qu’est l’animal relativement à l’homme ; une époque où la science remplacerait les animaux existants par des mécanismes plus élevés, comme nous voyons que la chimie a remplacé des séries entières de corps de la nature par des séries bien plus parfaites. De même que l’humanité est sortie de l’animalité, ainsi la divinité sortirait de l’humanité. Il y aurait des êtres qui se serviraient de l’homme comme l’homme se sert des animaux. »

C’est alors peut-être que l’homme s’apercevrait que l’homme se sert mal des animaux.

« L’homme ne s’arrête guère à cette pensée qu’un pas, un mouvement de lui écrase des myriades d’animalcules. Mais, je le