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m’en tiens à ceux où il rêve de la Déification intellectuelle :

« Je vous ai dit que l’ordre d’idées où je me tiens en ce moment ne se rapporte qu’imparfaitement à la planète Terre, et qu’il faut entendre de pareilles spéculations comme visant au delà de l’humanité. Sans doute le sujet sachant et pensant sera toujours limité ; mais le savoir et le pouvoir sont illimités, et par contre-coup la nature pensante elle-même pourra être fort agrandie, sans sortir du cercle connu de la biologie. Une large application des découvertes de la physiologie et du principe de sélection pourrait amener la création d’une race supérieure, ayant son droit de gouverner, non seulement dans sa science, mais dans la supériorité même de son sang, de son cerveau et de ses nerfs. Ce seraient là des espèces de dieux ou dévas, êtres décuples en valeur de ce que nous sommes, qui pourraient être viables dans des milieux artificiels. La nature ne fait rien que de viable dans les conditions générales ; mais la science pourra étendre les limites de la viabilité. La nature jusqu’ici a fait ce qu’elle a pu ; les forces spontanées ne dépasseront pas l’étiage quelles ont atteint. C’est à la science à prendre l’œuvre au point où la nature l’a laissée. La botanique fait vivre artificiellement des produits végétaux qui disparaîtraient si la main de l’homme ne les soutenait incessamment. Un âge se conçoit où la production d’un déva serait évaluée à un certain capital, représentant les appareils chers, les actions lentes, les sélections laborieuses, l’éducation compliquée et la conservation pénible d’un pareil être contre nature. Une fabrique d’Ases, un Asgaard, pourra