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depuis que je les embrassai avec tant d’amour, il y a quarante ans. Mais on en voit le bout. Dans un siècle, l’humanité saura à peu près ce qu’elle peut savoir sur son passé ; et alors il sera temps de s’arrêter ; car le propre de ces études est, aussitôt qu’elles ont atteint leur perfection relative, de commencer à se démolir. L’histoire des religions est éclaircie dans ses branches les plus importantes. Il est devenu clair, non par des raisons a priori, mais par la discussion même des prétendus témoignages, qu’il n’y a jamais eu, dans les siècles attingibles à l’homme, de révélation ni de fait surnaturel. Le processus de la civilisation est reconnu dans ses lois générales. L’inégalité des races est constatée. Les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés. »

Je copie cette citation, pour ne pas découper mon exemplaire ; nous sommes épouvantés, aujourd’hui, de cette assurance, et de cette limitation ; quelles expressions d’audace et de limitation théocratique : on voit le bout des sciences historiques ; dans un siècle, l’humanité saura à peu près ce qu’elle peut savoir sur son passé ; et alors il sera temps de s’arrêter ;… l’histoire des religions est éclaircie dans ses branches les plus importantes ;… le processus de la civilisation est reconnu dans ses lois générales ; l’inégalité des races est constatée ; les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés. Et cette singulière et inquiétante affirmation, ce jugement implacable, hautain, désabusé : le propre de ces études est, aussitôt