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introduit les méthodes historiques modernes, c’est-à-dire de tous ceux qui ont transporté en bloc dans le domaine de l’histoire les méthodes scientifiques empruntées aux sciences qui ne sont pas des sciences de l’histoire : une humanité toute maîtresse de toute son histoire ; une humanité ayant épuisé tout le détail de toute son histoire, ayant donc parcouru toute une indéfinité, toute une infinité de chemins indéfinis, infinis, avant donc littéralement épuisé tout un univers indéfini, infini, de détail ; une humanité Dieu, ayant acquis, englobé toute connaissance dans l’univers de sa totale mémoire.

Une humanité devenue Dieu par la totale infinité de sa connaissance, par l’amplitude infinie de sa mémoire totale, cette idée est partout dans Renan ; elle fut vraiment le viatique, la consolation, l’espérance, la secrète ardeur, le feu intérieur, l’eucharistie laïque de toute une génération, de toute une levée d’historiens, de la génération qui dans le domaine de l’histoire inaugurait justement le monde moderne ; hoc nunc os ex ossibus meis et caro de carne mea ; elle est partout dans l’Avenir de la science, — pensées de 1848 ; — et quel arrêt imaginé pour l’humanité enfin renseignée, savante, saturée de sa mémoire, totale ; quel arrêt de béatitude ; quel arrêt de béatitude et vraiment de divinité ; quel paragraphe singulier d’assurance et de limitation je trouve dans la préface même, écrite au dernier moment pour présenter au public, dans l’âge de la vieillesse, une œuvre de jeunesse :

« Les sciences historiques et leurs auxiliaires, les sciences philologiques, ont fait d’immenses conquêtes