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par métier, par humilité chrétienne ils n’ont ni vanité ni orgueil, ni présomption ni cupidité de la domination ; un curé de campagne est un petit seigneur ; l’exercice du ministère ecclésiastique est essentiellement un exercice d’humilité chrétienne.

Je ne dis pas que cela soit vrai des prêtres ; je dis que, autant et dans le sens que cela est vrai des universitaires, si l’on veut, autant et dans le même sens, mutations faites, cela est vrai des prêtres ; si l’excuse de modestie est valable pour les fonctionnaires de l’enseignement, l’excuse de l’humilité chrétienne est valable pour les fonctionnaires ecclésiastiques.

Pourtant ces prêtres administrent Dieu même ; examinons si ces universitaires, si ces historiens modernes, à leur tour, plus ou moins inconsciemment, ne remplaceraient pas les prêtres et ne suppléeraient pas Dieu ; ma proposition est exactement la suivante, que les méthodes scientifiques modernes, importées, transportées telles que dans le domaine de l’histoire, demandent, si on les entend exactement, et dans toute leur extrême rigueur, des qualités qui ne sont point les qualités de l’homme.

Notre ami l’historien Pierre Deloire me disait, — car je n’ai pas besoin d’ajouter que je n’en ai pas aux historiens personnellement, et que les historiens sérieux sont les premiers à s’émouvoir de ces graves contrariétés, — l’historien Pierre Deloire me disait un jour au bureau des cahiers : Le bon temps des historiens est passé. — Il entendait railler ainsi, doucement, les historiens antérieurs. — Le bon temps des historiens, disait-il, c’était quand le professeur d’histoire, assis devant son bureau, refaisait à loisir toutes les opérations du