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cipal objet de leurs méditations ; dans ces humanités l’homme était reconnu créature et limité aux limites humaines ; l’historien demeurait un homme.

Par une contrariété intérieure imprévue, et nouvelle dans l’histoire de l’humanité, il fallait justement arriver au monde moderne, à l’esprit moderne, aux méthodes modernes, pour que l’historien cessât réellement de se considérer comme un homme.

Le monde moderne, l’esprit moderne, laïque, positiviste et athée, démocratique, politique et parlementaire, les méthodes modernes, la science moderne, l’homme moderne, croient s’être débarrassés de Dieu ; et en réalité, pour qui regarde un peu au delà des apparences, pour qui veut dépasser les formules, jamais l’homme n’a été aussi embarrassé de Dieu.

Quand l’homme se trouvait en présence de dieux avoués, qualifiés, reconnus, et pour ainsi dire notifiés, il pouvait nettement demeurer un homme ; justement parce que Dieu se nommait Dieu, l’homme pouvait se nommer homme ; que ce fussent des dieux humains ou surhumains, un Dieu Tout ou un Dieu personnel, Dieu étant mis à sa place de Dieu, notre homme pouvait demeurer à sa place d’homme ; par une ironie vraiment nouvelle, c’est justement à l’âge où l’homme croit s’être émancipé, à l’âge où l’homme croit s’être débarrassé de tous les dieux que lui-même il ne se tient plus à sa place d’homme et qu’au contraire il s’embarrasse de tous les anciens Dieux ; mangeurs de bon Dieu, c’est la formule populaire de nos démagogues anticatholiques ; ils ont eux-mêmes absorbé beaucoup plus de bons Dieux, et de mauvais Dieux, qu’ils ne le croient.

En face des dieux de l’Olympe, en face d’un Dieu