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véritable historien, l’homme scientifique, — vir scientificus, — le savant moderne ; il ne suffit pas que le savant moderne soit un dieu ; il faut qu’il soit Dieu ; puisque l’on veut commencer par la série indéfinie, infinie du détail ; puisque l’on veut partir d’un point indéfiniment, infiniment éloigné, étranger, puisqu’avant d’arriver au texte même on veut parcourir un chemin indéfini, infini, pour épuiser tout cet indéfini, tout cet infini, l’infinité de Dieu même est requise, d’un Dieu personnel ou impersonnel, d’un Dieu panthéistique, théistique ou déistique, mais absolument d’un Dieu infini ; et nous touchons ici à l’une des contrariétés intérieures les plus graves du monde moderne, à l’une des contrariétés intérieures les plus poignantes de l’esprit moderne.

Pendant que les démagogues scientistes modernes se congratulent, se décorent, boivent et triomphent dans des banquets, le monde moderne est intérieurement rongé, l’esprit moderne est intérieurement travaillé des contrariétés les plus profondes ; et l’humanité aurait aussi tort de se river à ce que nous nommons aujourd’hui le monde moderne et l’esprit et la science modernes qu’elle a eu raison de ne pas se river aux formes de vie antérieures, aujourd’hui prétendument dépassées ; dans l’ordre de la connaissance, de l’histoire, de la biographie et du texte, nous sommes en particulier conduits à la singulière contrariété suivante.

Les humanités polythéistes et mythologues, ayant, même dans l’ordre de la divinité, excellemment, éminemment le sens du parfait, du fini, de la limite, l’avaient en particulier dans l’ordre de l’humanité ; ajouterai-je que ces humanités étaient généralement