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scolaire, de ne pas considérer un assez vaste espace de temps quand nous réfléchissons sur l’histoire de l’humanité.

Beaucoup plus que nous ne le voulons, beaucoup plus que nous ne le croyons, beaucoup plus que nous ne le disons tous formés par des habitudes scolaires, tous dressés par des disciplines scolaires, tous limités par des limitations et des commodités scolaires, nous croyons tous plus ou moins obscurément que l’humanité commence au monde moderne, que l’intelligence de l’humanité commence aux méthodes modernes ; heureux quand nous ne croyons pas, avec tous les laïques, avec tous les primaires, que la France commence exactement le premier janvier dix-sept cent quatre-vingt-neuf, à six heures du matin.

Or l’idée moderne, la méthode moderne revient essentiellement à ceci : étant donnée une œuvre, étant donné un texte, comment le connaissons-nous ; commençons par ne point saisir le texte ; surtout gardons-nous bien de porter la main sur le texte ; et d’y jeter les yeux ; cela, c’est la fin ; si jamais on y arrive ; commençons par le commencement, ou plutôt, car il faut être complet, commençons par le commencement du commencement ; le commencement du commencement, c’est, dans l’immense, dans la mouvante, dans l’universelle, dans la totale réalité très exactement le point de connaissance ayant quelque rapport au texte qui est le plus éloigné du texte ; que si même on peut commencer par un point de connaissance totalement étranger au texte, absolument incommunicable, pour de là passer par le chemin le plus long possible au point de connaissance ayant quelque rapport au texte qui est le plus