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scientifique et philosophique juste assez pour ne l’avoir pas approfondi, pas pénétré ; juste à point, assez renseigné, assez ignorant, pour en faire des exposés ; il est pour tous ses amis et admirateurs, pour les uns et pour les autres, j’entends pour les jeunes et pour les vieux, non pas comme un enfant gâté, mais, ce qui est plus amusant, plus rajeunissant, plus délicieux, comme un père gâté, comme un vieil oncle, qui a de mauvais quarts d’heure, mais à qui, dans ses bons moments, on ne peut résister ; ces bons moments sont proprement les frasques du vieux politicien ; car c’est la trame ordinaire de sa vie politique, parlementaire, et gouvernementale, qui condamnerait M. Clemenceau ; et ce qui le sauve, et ce qui lui ramène la sympathie des tiers, au moment qu’elle allait se décourager, ce sont justement ses moments d’oubli, ses incartades, quand le naturel, et par suite quand la vérité reprend le dessus ; ce sont ses frasques, ses blagues, ses gambades, ses brimades, ses boutades et ses écarts ; on lui pardonnera beaucoup parce qu’il a beaucoup blagué ; il n’a pas toujours, évidemment, le sens du respect que nous devons aux puissances politiques parlementaires ; il ne sait pas toujours obéir et trembler, comme nous devons ; cet irrespect chronique à manifestations intermittentes a beaucoup nui à sa carrière politique parlementaire ; mais c’est cela aussi qui le sauve dans la considération des honnêtes gens, dans l’estime des hommes libres ; on assure que c’est à une mauvaise plaisanterie qu’il avait faite à un député qu’il dut de ne pas devenir président de la Chambre ; de tels traits honorent un homme.

La politique lui paraît sans doute, comme à tant