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parce qu’un peuple de pauvres gens y ont mis leur cœur : cette Marseillaise, dont les paroles sont si peu pleines, et si peu contestables, elle a tenu, dans la réalité de l’histoire, de la passion révolutionnaire complète comme aucune Internationale n’en a contenu encore.

Vous lisez un article, un discours de Clemenceau, et vous dites : Mais c’est plein de trous, c’est inégal ; ça ne se tient pas ; d’une main il donne la liberté, de l’autre main il retire la liberté ; cela ne se tient pas ; il néglige d’énormes parties de la réalité ; il néglige tout l’économique, tout le socialisme. — Vous lisez mal.

Il ne s’agit pas de chercher et de trouver dans les articles et dans les discours de M. Clemenceau une philosophie et un système du monde ; il s’agit ici d’écouter les derniers échos d’une réalité qui fut ; elle eut peut-être tort d’être ; mais elle fut ; rien au monde, aucune théorie ne remplace d’avoir été ; aucune imagination ne vaut d’avoir été ; l’événement de l’histoire n’est point modelé sur le jeu de nos exigences intellectuelles ; cette réalité, toute condamnée qu’elle fût, en théorie, par la logique et par la docte philosophie, en réalité fut ; et combien de réalités que les théoriciens annoncent, que les logiciens construisent, que les philosophes méditent, ne seront pas.

C’est une des raisons pour lesquelles nous avons publié en un cahier ce discours pour la liberté ; ce discours n’était pas un simple discours parlementaire ; il était contaminé parfois d’intentions parlementaires ; on y reconnaît aisément des parties parlementaires ; M. Clemenceau est sénateur ; il y a un ministère