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lité de son contenu mental, et un jeune homme, un homme au-dessous de vingt ans, à peine entré dans les premières années de son apprentissage, ayant aperçu les immenses profondeurs du socialisme révolutionnaire et libertaire, jettera un coup d’œil dédaigneux sur cette pauvre ancienne République politique bourgeoise et dira : Il n’y avait rien dans cette misérable et vaine République ; aucune pensée, aucun système, aucune philosophie, aucune connaissance de l’histoire ; donc elle n’a rien pu développer dans l’événement ; il n’y a pas eu un personnel républicain, un mouvement républicain, un dévouement républicain. — Erreur grossière, jeunes écoliers, — je parle comme ces anciens, — confusion venue de naïveté. Cette République, si pauvre, en théorie, de contenu mental et sentimental, a, dans la réalité, suscité un peuple de dévouements qui la dépassaient de beaucoup ; et c’est justement de quoi nous n’avons pas à nous vanter, que le socialisme, qu’un socialisme aussi plein de sens en soit encore à soulever les dévouements jeunes, constants, non vieillissants, qu’une République aussi pauvre a certainement suscités.

La satisfaction de l’esprit ne fait pas la loi de la réalité ; les événements ne sont pas proportionnés justement à leur contenu ; nous qui représentons le grand socialisme, combien de défaillances, de fatigues et d’aigreurs ne reconnaissons-nous pas autour de nous, et la simple République bourgeoise, mère ingrate, a été servie en son temps par tout un peuple d’ouvriers laborieux et gais.

Ainsi est la réalité ; dans la même nation, à trente ans de distance, il y a eu un mouvement qui n’était