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entière et droite, une intelligence à la fois laborieuse et claire, une intelligente et demi-voulue naïveté, une bonté ancienne, un courage aisé, gai, infatigable ; et ce perpétuel renouveau de courage et de gaieté ; nous ressemblons peu à ces hommes ; et nous devons continuer à les aimer d’autant ; nous avons des soucis et des tristesses, des peines mêmes qu’ils ne connaissaient pas ; justement parce que notre socialisme est plus plein, il nous fatigue davantage, nous vieillit plus que ne faisait leur simple républicanisme ; ces vieux républicains sont plus jeunes à cinquante ans que nous ne le sommes à trente ; ils n’ont pas connu les désillusions, les détournements et les déceptions qui nous attendaient au seuil de l’action socialiste ; ce sont aussi des hommes qui n’écoutent pas volontiers leurs propres désillusions ; ils ont connu des temps heureux, où les mots républicains vêtaient des réalités républicaines ; et le reflet de cet ancien bonheur, les illuminant encore aujourd’hui, leur maintient une perpétuelle jeunesse.

Les réactionnaires bourgeois, les républicains orléanistes, les nommaient avec épouvante les rouges, les radicaux ; car ce nom même de radicaux, prostitué aujourd’hui à toutes les aventures de politique et d’argent, recouvrait en ce temps ancien, et dans les départements, que je connais, la constance et la fidélité des plus admirables dévouements obscurs ; nos jeunes gens ne connaissent guère aujourd’hui de tels hommes ; les mœurs politiques de tous les partis politiques parlementaires sans exception, bourgeois et prétendus socialistes, ont subi depuis vingt ans une altération dont peuvent seuls s’apercevoir les hommes d’un certain âge ; et tout le monde participant au mouvement, à