La tentation est ici, en effet, et la tentation est grande, premièrement d’évaluer le passé sur le présent, deuxièmement d’évaluer l’événement sur le contenu, l’histoire sur la philosophie, le déroulement sur le mouvement de pensée.
Quand un jeune homme, un homme au-dessous de vingt ans, assiste aujourd’hui aux manifestations de la politique parlementaire, il est tenté de croire qu’il en a toujours été ainsi ; nous qui sommes assez anciens pour avoir dans les premiers temps de nos enfances recueilli le témoignage de mœurs beaucoup moins corrompues, qu’il nous soit permis d’apporter ce témoignage aux jeunes socialistes en faveur de l’ancienne République bourgeoise ; on peut nous en croire ; et nous sommes témoins impartiaux ; il y a eu un temps, et non seulement sous le second Empire, mais dans la première période, pendant les premières années de la troisième République, où ce beau mot de République ne servait pas seulement aux généraux de brigade qui veulent devenir généraux de division, aux généraux de division qui veulent devenir généraux commandant un corps d’armée, aux généraux commandant un corps d’armée qui veulent se réserver pour devenir quelque jour ministre de la guerre ; ce mot de République a été prononcé, défendu, honoré par des hommes qui ont bravé, pour fonder la République et pour la soutenir, les extrêmes persécutions des puissances réactionnaires ; pour moi je considère comme un bonheur personnel d’avoir connu, dans ma toute première enfance, quelques-uns de ces vieux républicains ; hommes admirables ; durs pour eux-mêmes ; et bons pour les événements ; j’ai connu par eux ce qu’était une conscience