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pensée, ni dans l’histoire du sentiment l’idéal républicain ne figure au premier plan ; il n’a point apporté une modalité nouvelle, un monde nouveau, une humanité nouvelle, neuve ; l’État républicain bourgeois ne figure pas dans l’éternelle énumération au même titre et sur le même plan que la cité hellénique ou la cité chrétienne ou la cité socialiste ; la République bourgeoise n’entre pas en concurrence avec ces grandes cités ; elle n’est pas de leur monde ; elle n’est pas de leur société, de leur compagnie ; elle n’a pas apporté un contenu de même qualité, de même nouveauté, de même grandeur ; cela est entendu ; et pourtant.

Pourtant si redescendant de ces hautes et grandes considérations nous regardons autour de nous modestement le détail de l’action, des événements, des réalisations, un fait indéniable immédiatement nous frappe : cet idéal républicain bourgeois, étatiste, a obtenu un mouvement, un événement d’histoire qui le dépassait de beaucoup ; nous pouvons parler de ce mouvement en toute sérénité, aujourd’hui que la courbe en est sensiblement achevée ; nous devons avouer que cet idéal républicain bourgeois, étatiste, politique et parlementaire, tout vide qu’il fût de pensée, tout sec de sentiment, a obtenu un mouvement, un événement d’histoire que le socialisme même, si plein de pensée, si plein de sentiment, n’est plus désormais assuré d’obtenir ; il y a eu tout un esprit républicain, toute une âme républicaine, un personnel républicain, du travail, de l’action, les dévouements républicains.

Nous avons du mal à nous le représenter aujourd’hui, parce que tout ce qui tient à la République bourgeoise et à l’État démocratique nous apparaît à travers les