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strictement la même ; nulle ; ni la justice, ni la liberté n’ont gagné d’une ligne ; le bénéfice de l’opération devient le suivant : tout ce qui se dérobe à la domination de l’Église est asservi à la domination de l’État ; tout ce qui se dérobait à la domination de l’État était asservi à la domination de l’Église ; sans compter ce qui est asservi ensemble et à l’une et à l’autre domination ; car ces deux dominations chevauchent.

Ainsi partagé entre ces deux dominations égales et de sens contraire, opposées, l’une plus officiellement forte, l’autre plus sournoisement forte, Orléans représente mieux que Laval ce que nous pouvons nommer la situation générale, moyenne et commune, du pays ; plié sous la servitude catholique, réactionnaire cléricale, presque unique, Laval représente, par un cas de survivance intéressant, ce qu’était le pays moyen sous la domination méliniste, il y a quelques années, avant le sursaut, la révolte et la révolution de l’affaire Dreyfus, du socialisme révolutionnaire, du dreyfusisme révolutionnaire ; ou si l’on veut, par un phénomène intéressant d’anticipation, dès aujourd’hui Laval nous représente ce qui nous attend, ce qui nous guette, pour quand le détournement parlementaire, pour quand la corruption politique aura fini d’épuiser toutes les forces de liberté, toutes les forces révolutionnaires, de dreyfusisme, de socialisme et d’acratisme qui seules maintiennent la République.

Pourtant ce n’est point pour donner une image, une représentation du pays commun, moyen, ordinaire, à la date d’aujourd’hui, que nous publions ci-après trois articles du Progrès ; — que je me permets de nommer