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dable intensité de vie : hommes, femmes, enfants, bêtes et plantes. » J’avoue que cette postérité de Zola ne me laisse pas moins inquiet que la race née de Mathieu.

La fortune littéraire, politique et sociale de Zola fut singulière. Sa sincérité même et une optique propre le conduisirent dans toutes ses premières œuvres et dans beaucoup des suivantes à nous montrer surtout les nombreuses laideurs de l’humanité. Je crois que renseignement donné par ces livres fut déplorable, comme est déplorable encore aujourd’hui l’enseignement donné par les images antialcooliques. Ce n’est point par l’horreur du laid mais par l’attrait du beau que nous devons enseigner le beau. Le beau doit ignorer le laid comme le Dieu d’Aristote ignorait le monde imparfait. Il est malsain que les enfants emportent et gardent dans leur mémoire l’image laide des ilotes ivres. Il est malsain que les enfants qui passent rue Soufflot gardent dans leur mémoire les images d’ivrognerie que la maison Delagrave exposait derrière les barreaux de ses vitrines. Les images de la laideur sont laides. Les images de la laideur sont, en un sens, plus redoutables que la laideur même, étant pour ainsi dire authentiquées par ce que l’image dessinée ou l’image écrite a de définitif, d’officiel. En ce sens un ivrogne représenté sur un tableau scolaire enlaidit plus gravement la mémoire et l’imagination des enfants qu’un ivrogne rencontré dans la rue. De même la plupart des anciens personnages de Zola sont d’une fréquentation très pernicieuse.

Le malheur fut, si nous en croyons les indications données au verso du faux-titre de Fécondité, que cette