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vrai, tout à fait réussi. Ce serait diminuer la pensée de Zola, le sens, la valeur, la portée de l’œuvre, que de s’en tenir à la première hypothèse. Non. Fécondité n’est pas une œuvre moyenne absolument réussie, mais une œuvre supérieure contestable à beaucoup d’égards et qui laisse beaucoup de tristesse.

De même on ne saurait nous demander d’accorder, comme un postulat indispensable, le facile accroissement de Mathieu. À ceux qui nous diraient : « Laissons cela, laissons ces misères : accordons cette fortune à laquelle nous devons un si beau poème », il convient de répondre non. Fécondité n’est pas seulement un beau poème que l’on admire. C’est évidemment aussi, dans la pensée de l’auteur, un livre d’enseignement. C’est un poème d’enseignement, c’est-à-dire, au beau sens de ce mot si mal employé communément, un poème didactique. Si nous consentons à en altérer la forme, à en diminuer le sens, nous n’avons plus qu’à l’admirer sans aucune réserve. Mais ce serait là une véritable trahison. À une telle œuvre de sincérité, nous devons sincèrement la vérité entière. Nous devons lui restituer tout son sens, toute sa valeur, et, dès lors, faire toutes les réserves que nous avons faites.

Paul Brulat compare[1] Zola lui-même à Mathieu : « Le bon Mathieu, c’est Zola lui-même dont le cerveau créateur a mis au monde plus de trois cents personnages, une arche immense où s’exaltent d’une formi-

  1. Article cité. Ou plutôt il assimile, en quoi peut-être il force un peu, car je crois qu’on doit lire Fécondité sans aucune malice, finesse, ni symbole, et que « faire des enfants » y signifie simplement faire des enfants.