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volitions, les volitions de personnes humaines qui veulent, mais trop souvent comme des déclanchements, comme des remplacements : à un état d’esprit donné succède brusquement un nouvel état d’esprit étranger au premier. Déjà dans Paris le plus épouvantable combat de conscience avait fini par un coup de brique mal asséné :

« Et, suffoquant, tremblant de rage, Guillaume avait saisi Pierre, lui écrasait les côtes de ses muscles solides.

« … Déjà, la brique s’abattait. Mais les deux poings durent dévier, elle ne lui effleura qu’une épaule et il tomba, dans l’ombre, sur les genoux. »[1]

Ce coup de brique opère vraiment le déclanchement final de Paris. Dans Fécondité, c’est un embarras de voitures qui résout facilement une crise de passion bien mal engagée : « … brusquement, une autre image se dressa ».[2] Il était temps.

Je ne nie pas qu’il n’y ait une assez grande quantité de personnes dont la psychologie soit aussi grossière et pour ainsi dire aussi mécanique. Mais ces personnes sont accidentelles. On peut les choisir comme sujets d’un roman épisodique, ou bien comme les comparses d’une action essentielle, mais non pas en faire les personnages d’un roman essentiel, d’un poème, d’une épopée comme Fécondité, comme la plupart des œuvres du poète Zola. Ou bien Mathieu n’est pas un caractère, et alors il est tout à fait vrai si l’on veut. Ou bien il est un caractère, un type, et alors il n’est pas tout à fait

  1. Paris, pages 572 et 573.
  2. Fécondité, page 81.