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près de cette ardente prière le Sacre de la Femme semblera un excellent exercice de bonne rhétorique. Pourquoi faut-il que les enfants nourris de ce lait, qui au commencement de ce livre bondissaient innocemment parmi les jeunes feuillages, deviennent à la fin des hommes aussi durs. La mémoire de leur enfance lactée, l’enfance de leurs petits frères et sœurs et de leurs enfants ne suffit pas pour innocenter toute leur vie. Mathieu s’imagine un peu facilement que la religion de la vie suffit : « Des millions de nouveaux êtres pouvaient naître, la terre était grande, plus des deux tiers restaient à défricher, à ensemencer, il y avait là une fertilité sans fin pour notre humanité sans limites. »[1] Il adopte une théorie des révolutions qui est surtout vraie des jacqueries, qui ne sera sans doute pas vraie de la révolution sociale : « Est-ce que toutes les civilisations, tous les progrès ne s’étaient pas produits sous la poussée du nombre ? Seule, l’imprévoyance des pauvres avait jeté les foules révolutionnaires à la conquête de la vérité, de la justice, du bonheur. Chaque jour encore, le torrent humain nécessiterait plus de bonté, plus d’équité, la logique répartition des richesses par de justes lois réglant le travail universel. »[2] Pourquoi faut-il que les Froment n’introduisent pas dans l’humanité des mœurs conformes à ces lois futures ?

Levons nos regards humains vers les dieux du ciel. Vénus ne fut pas une déesse de paix, de bonté. Si Iahvèh fut un dieu jaloux, les dieux de l’Olympe étaient des dieux envieux. Les dieux d’en haut n’ont pas tou-

  1. Fécondité, page 614.
  2. Fécondité, page 614.