Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.

réflexion, que Mathieu et Marianne ont recommencé une ancienne humanité.

Mieux vaut sans doute une ancienne humanité saine qu’une ancienne humanité malade. Il n’en est pas moins vrai que cet Ambroise, qui dispose agréablement des surprises pour les fêtes villageoises, pour les noces de diamant, est un homme redoutable :

« La fortune d’Ambroise s’était décuplée en dix ans. À quarante-cinq ans à peine, il régnait sur le marché de Paris. La mort de l’oncle Du Hordel l’ayant fait héritier et seul maître de la maison de commission, il l’avait élargie par son esprit d’entreprise, l’avait transformée en un véritable comptoir universel, où passaient les marchandises du monde entier. Les frontières n’existaient pas pour lui, il s’enrichissait des dépouilles de la terre, il s’efforçait surtout de tirer des colonies toute la richesse prodigieuse qu’elles pouvaient donner, et cela avec une audace triomphante, une telle sûreté de coup d’œil, au loin, que ses campagnes les plus téméraires finissaient par des victoires. Ce négociant, dont l’activité féconde gagnait des batailles, devait fatalement manger les Séguin, oisifs, impuissants, frappés de stérilité. Et, dans la débâcle de leur fortune, dans la dispersion du ménage et de la famille, il s’était taillé sa part, il avait voulu l’hôtel de l’avenue d’Antin… »[1] « Maintenant, l’hôtel entier revivait, plus luxueux encore, empli l’hiver d’un bruit de fêtes, égayé du rire des quatre enfants, de l’éclat de cette fortune vivante que renouvelait sans cesse l’effort de la conquête. »[2] Je demande

  1. Fécondité, page 705.
  2. Fécondité, page 707.