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résolue, mais supprimée par l’artifice de la stérilité. Zola ne l’a pas résolue, mais tournée par l’artifice du premier occupant et de la déshérence.

On répond facilement à Sully-Prudhomme : « Il ne s’agit pas seulement d’élargir sa place à l’inégal banquet. Il s’agit aussi d’élargir sa place au travail, provisoirement inégal. Et si les nouveaux travailleurs produisent assez pour élargir le banquet lui-même, il n’y a plus aucun inconvénient à ce qu’ils occupent à ce banquet non des places empiétées, mais des places nouvelles. Que si les nouveaux travailleurs produisent plus qu’ils ne consomment, c’est tout avantage pour la cité. »

J’abandonne ici cette comparaison du banquet, toujours un peu lourde et un peu inexacte. Je dis : « Si nos enfants ne produisent pas, comme ils consommeront quand même, ils seront des parasites : mieux vaut n’en pas avoir. Si nos enfants produisent, et consomment une égale valeur, ils deviennent socialement indifférents. Si nos enfants produisent, et consomment un peu moins, s’ils produisent beaucoup et ne consomment guère, ils enrichiront le domaine commun de l’humanité. » Je donne ce raisonnement pour ce qu’il vaut : il est provisoirement, grossièrement, moyennement exact.

Si l’on admet ce raisonnement provisoire, la difficulté redoutable apparaît : l’enfantement ne se justifie socialement que par ce que les enfants seront dans la cité. Or on est rigoureusement assuré que les enfants demanderont à la cité les moyens de leur éducation, mais on ne sait pas quel travail les enfants donneront à la cité. Il y a là évidemment un crédit accordé par la cité aux générations naissantes et croissantes.