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D’autres, très nombreux, surtout depuis que le livre a réussi, ont au contraire, — mais cela revient au même, — été pris pour Jean Coste d’un amour inattendu. Je crois que Téry aujourd’hui se méprend sur les sentiments qu’il convient d’avoir pour Jean Coste. On aime trop Jean Coste. On l’aime contre quelqu’un. Nous devons l’aimer pour lui-même. Il vaut d’être aimé pour lui-même. On veut l’aimer à condition que dans la commune il soit un anticuré. Nous devons l’aimer pour lui-même, comme un homme libre ; il a le droit et le devoir d’exister pour lui-même, par lui-même, pour et par l’humanité, non pas seulement en opposition, en conflit préparé perpétuel avec un autre homme, quel que soit cet homme.

On veut aimer Jean Coste à condition qu’il soit dans la commune un représentant du gouvernement, un agent de l’État, un émissaire des partis.

Jean Coste n’en veut pas tant : il demande du pain ; il demande la liberté ; non pas comme une faveur, mais comme son droit. Il a droit au pain, il a droit à la liberté, sans condition. Il est un homme, il a les droits d’homme, sans condition.

Il ne s’agit pas de faire entrer Jean Coste, bon gré mal gré, dans les combinaisons politiques ; il ne s’agit pas de lui vendre ce que l’on doit lui donner ; il a des droits imprescriptibles ; il ne s’agit pas de lui vendre son pain, sa liberté, pour des services politiques ; il ne s’agit pas de faire de lui le jouet des partis politiques. Il y perdrait toute autorité, morale, sociale, professionnelle, toute dignité, toute valeur de vie et toute valeur d’homme.

On veut déléguer à Jean Coste une parcelle de l’auto-