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leton ; mauvais, il est un des agents les plus pernicieux de démoralisation ; bon, il peut devenir un des moyens de culture les plus efficaces, et non pas seulement pour le peuple ; quand j’ouvre la Petite République, c’est pour lire ou pour parcourir les romans extraordinaires de M. Michel Zévaco ; c’est un auteur qui a beaucoup gagné ; le Matin a beaucoup fait, en donnant de l’Erckmann-Chatrian ; l’Aurore a beaucoup fait, de donner le Stendhal et beaucoup de Balzac.

Le Jean Coste fait un excellent feuilleton ; c’est à nos amis d’y aviser. Ils rencontreront les mêmes résistances. Un grand journal républicain d’un port militaire breton qui n’est pas Brest refusa de publier le Jean Coste en feuilleton ; la situation des instituteurs n’est déjà pas si brillante en Bretagne, l’école primaire laïque y est fortement attaquée, il ne faut pas déprécier l’œuvre scolaire de la troisième République, il ne faut pas décourager le recrutement des écoles normales primaires.

C’est toujours la même aberration de méthode ; se masquer la réalité, au lieu de la voir et d’y travailler.

Nous avons connu ainsi, sur le tard, les crimes de Lavergne : tout soucieux de faire un livre, un roman réaliste, il avait négligé de faire un volume anticléricaliste ; il avait fait un curé de village comme il avait vu, un curé brave homme, honnête homme, au lieu de faire un curé comme il faut qu’ils soient tous pour que l’anticléricalisme radical soit fondé ; ayant à faire une élection, au lieu de mettre en présence un parti réactionnaire tout à fait immonde et un parti radical tout à fait sublime, il avait mis en présence deux partis politiques assez également faux, assez également lâches.