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DE LA GRIPPE

20 février 1900,

Immobilisé par une grippe soudaine, je ne pus aller voir d’abord le docteur moraliste révolutionnaire. Aussitôt que ma tête redevint un peu saine, je résolus de compléter le recueil que j’avais commencé de documents et de renseignements sur la préparation du Congrès socialiste national. Mais au moment où j’avais en mains les ciseaux pour découper ces derniers documents et ces derniers renseignements dans la Petite République, le citoyen docteur entra dans la cuisine, où je travaillais l’hiver.

— Bonjour, citoyen malade, allez-vous un peu mieux ?

— Je vous remercie, docteur : je vais un peu mieux.

— J’ai su facilement que vous étiez malade ; le neveu du boulanger l’avait dit au garçon boucher ; celui-ci l’avait redit à la nièce de la marchande de volailles : ainsi vont les nouvelles par ce simple pays.

— J’ai eu la grippe. Et je l’ai encore un peu.

— Ainsi vous avez justifié par un nouvel exemple ce que vous m’avez dit à la fin de la quinzaine passée, que vous étiez un homme ordinaire : l’homme ordinaire a eu la grippe ces temps derniers.