Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Écoutez et retenez cette histoire : »

Suit l’histoire de M. Marinoni et du Sultan.

L’auteur procède comme il faut. Une brochure bien faite ressemble à une histoire de grand-père contée à la veillée :

Il y avait une fois, au pays des Infidèles, un méchant roi qui fit massacrer, dans les supplices les plus effroyables, trois cent mille de ses sujets chrétiens. — Le grand-père n’insiste pas sur les supplices, pour ménager l’imagination des petits.

— Pourquoi donc que le pape n’est pas allé à leur secours, grand-père ?

— Je ne sais pas, mes enfants.

— Et le roi de France, pourquoi donc qu’il n’y a pas été ?

— Parce qu’il n’y a pas de roi de France.

— Et les Français qui ne sont pas rois ?

— Parce que le mauvais roi avait donné de l’argent au Petit Journal pour faire croire aux Français que c’étaient les chrétiens qui s’étaient révoltés.

— C’est le même Petit Journal qu’on achète au bourg chez l’épicier ?

— Oui mon garçon.

— Ah vrai !

La brochure de Le Pic invite à cette imagination.

Je lus passionnément cette brochure bien faite. Et quand je revis contre quelles sournoiseries, contre quelles sauvageries, contre quelles atrocités, contre quelles barbaries ce peuple révolutionnaire avait conduit dans Paris ce triomphe de la République, cette inoubliable manifestation me sembla toute saine et toute bonne, et les scrupules de détail que j’avais eus me semblèrent vains.