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du boulevard, était faite par des gardes républicains. Mais il y avait de place en place des réserves d’agents massées sur les trottoirs, taches noires ponctuant la mobilité de la foule. Si ces hommes aux poings lourds ont des âmes subtiles, les officiers, sous-officiers, brigadiers et simples gardes, les commissaires de police, les officiers de paix, les brigadiers et les simples agents durent s’amuser chacun pour son grade. En fait, plusieurs de ces gardiens de la paix riaient dans leurs moustaches. La plupart se tenaient obstinés à regarder ailleurs avec une impassibilité militaire. Quelques-uns se tenaient un peu comme des condamnés à mort, ce qui était un peu poseur, inexact, mais compréhensible. Ce qui devait le plus les étonner, c’était de se voir là. Nous sommes si bien habitués nous-mêmes à ce que les hommes ainsi costumés nous sautent sur le dos quand nous poussons certaines acclamations, que nous demeurions stupides, poussant ces acclamations, qu’ils n’en fussent pas déclanchés. Eux qui doivent avoir, depuis le temps et par la fréquence, une autre habitude que nous, comme ils devaient s’étonner de ne pas se trouver automatiquement transportés sur nos épaules ! Mais ils ne bougeaient pas, droits, encapuchonnés d’obéissance passive. Au long du boulevard nous les considérions comme on regarderait si une locomotive oubliait de partir au coup de corne du conducteur. Ils négligeaient de partir. Le peuple était d’ailleurs d’une correction parfaite. Sans doute il s’amusait à crier en passant devant eux les acclamations qui naguère les faisaient le plus parfaitement sauter hors de leur boîte, les Vive la Commune ! et les Vive la Sociale. Mais de cette foule