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Mais heureusement qu’elle est ainsi conçue en son article deuxième :

Sont exemptés de cette mesure les drapeaux aux couleurs nationales françaises ou étrangères, et ceux servant d’insignes aux Sociétés autorisées ou approuvées.

Cette ordonnance, promulguée au temps de la terreur anarchiste, était libéralement interprétée pour le triomphe de la République. Il suffisait que les drapeaux eussent une inscription pour passer. Ainsi les drapeaux flamboyants qui n’auraient pas passé tout seuls passaient parce qu’ils portaient en lettres noires des inscriptions comme celles-ci : Vive la Commune ! — Vive la Révolution sociale ! — 1871. L’honorable M. Alicot a vu là une transaction qui serait une véritable hypocrisie. Sans aucun doute s’il y avait eu un marché formel entre le gouvernement et le peuple, ce marché n’aurait été, des deux parts, qu’un marchandage hypocrite. Mais le gouvernement n’entendait assurément pas ainsi sa bienveillance. Et le peuple ne faisait guère attention à ce détail de procédure que pour s’en amuser bonnement. Il ne s’agissait pas du tout de vendre au gouvernement l’appui du peuple moyennant une tolérance honteuse. L’explosion de la fête était supérieure et même rebelle à tout calcul. Non. Il était simplement réjouissant qu’une ordonnance de la police bourgeoise, rendue contre le drapeau rouge au moment que l’on sait, présentât ainsi un joint par où passait librement le drapeau rouge commenté, à présent que des bourgeois républicains reconnaissaient la valeur et l’usage du socialisme républicain. Cela plaisait à ces gamins de Paris devenus hommes de Paris qui, en immense majorité, composaient le cortège.