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tion. Immédiatement cette population parisienne s’enfla comme un beau fleuve et par toutes les voies se dirigea vers la place de la Nation.

La Petite République avait annoncé, en grosses italiques fortes et bien situées, que sa rédaction et son administration partiraient à midi. Le Treizième, comme on le nomme amicalement, c’est-à-dire les groupes si puissants et si cordiaux du treizième arrondissement, socialistes et révolutionnaires, le groupe les Étudiants Collectivistes de Paris (non adhérent au Parti ouvrier français), les organisations syndicales et les cinq coopératives du treizième, renforcés du citoyen Coulant et des manifestants de sa circonscription électorale, devaient se réunir place d’Italie à partir de dix heures et demie du matin. Tout le treizième, comme on disait, renforcé de tout Ivry, devait partir en temps utile, suivre l’avenue des Gobelins, la rue Monge, la rue Montmartre, et prendre en passant la Petite République.
Midi sonnaient quand nous arrivâmes au coin de la rue Réaumur. Deux ou trois cents personnes attendaient joyeusement au clair soleil sur les trottoirs. Leur disposition même rappelait invinciblement à la mémoire la disposition pareille des militants rangés au bord des trottoirs un peu vides en un jour sérieux de l’année précédente. C’était le jour de la rentrée des Chambres. Dans la seconde moitié de la journée nous attendions au même endroit, pareillement disposés, un peu moins nombreux, sans doute un tout petit peu parce qu’on pouvait se battre sérieusement, mais surtout et beaucoup parce que c’était en semaine et que les ouvriers travaillaient, parce que ce n’était pas jour de fête, parce qu’il ne faisait pas ce soleil admirable, et parce qu’en