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vraies. La délimitation de ce que les journaux doivent donner à leurs lecteurs et de ce qu’ils ne doivent pas leur donner, de ce qu’ils doivent même refuser, doit coïncider exactement avec la délimitation réelle de ce qui est vrai d’avec ce qui est faux, nullement avec la délimitation artificielle de ce qui est ou n’est pas de nature à blesser une organisation nationalement ou régionalement constituée. Cette blessure n’est pas un criterium. Certains hommes, comme Zola, sont blessés par le mensonge ; mais certains hommes, comme le général Mercier, sont blessés par la vérité. Sans parler de ces cas extrêmes, si la vérité blesse une organisation, taira-t-on la vérité ? Si le mensonge favorise une organisation, dira-t-on le mensonge ? Vraiment à la vérité blessante on fera l’honneur de ne pas la traiter plus mal que le mensonge blessant ? Mais, taire la vérité, n’est-ce pas déjà mentir ? Combien de fois n’avons-nous pas produit cette simple proposition au cours de la récente campagne. Aux bons bourgeois, et aussi aux camarades qui voulaient se réfugier commodément dans le silence n’avons-nous pas coupé bien souvent la retraite en leur disant brutalement. — car en ce temps-là nous finissions tous par avoir un langage brutal, — : « Qui ne gueule pas la vérité, quand il sait la vérité, se fait le complice des menteurs et des faussaires ! » Voilà ce que nous proclamions alors. Voilà ce que nous proclamions au commencement de cet hiver. Cette proposition est-elle annuelle, ou bisannuelle ? Fond-elle avec la gelée ? Et voilà ce que nous déclarons encore aujourd’hui contre les antisémites. Cette proposition est-elle, aussi, locale ? Non. Elle est universelle et éternelle, disons-le sans fausse honte. Nous demandons simplement qu’on dise la vérité.