temps, étant le même, j’avais été un sous-lieutenant de réserve d’infanterie qui déjeune et qui fait la grand halte avec ses camarades.
Je m’aperçois, aujourd’hui que je suis de tout repos, que ma mémoire tenait beaucoup à enregistrer, à mesure qu’ils se produiraient, les événements de la réalité présente ; parce qu’elle était jalouse de la restitution qu’elle faisait, parce qu’elle défendait jalousement cette restitution, parce qu’elle sentait d’instinct qu’elle serait d’autant plus libre de se donner toute à l’audacieuse restitution qu’elle serait plus exacte à faire en même temps l’enregistrement de l’infatigable réalité présente ; car autant qu’elle était exacte à bien enregistrer l’écoulement inépuisable de la réalité présente, elle maintenait à mon corps exactement l’aspect qui répondait aux événements de cette réalité ; ainsi par la duplicité intéressée de ma mémoire j’avais l’air d’être là ; aucun accident d’inattention ne pouvait m’advenir ; ma mémoire pouvait travailler tranquille ; personne autour de moi ne pouvait s’inquiéter de ce que j’étais devenu ; je pouvais en toute assurance accomplir le séjour mystérieux. C’est pour cela que le capitaine Loiseau, croyant avoir affaire à moi, me dit :
— Monsieur Dagobert, vous prenez encore un morceau de saucisson ?
— Je sais, je sais, dit saint Éloi, et que vous lui répondîtes :
— Si vous voulez, mon capitaine.
Vous me l’avez déjà dit trois fois. Vous avez cité trois fois ce texte. On ne cite pas trois fois un texte. On ne cite pas trois fois le même texte. Nous ne sommes pas ici pour chanter au refrain.