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LETTRE DU PROVINCIAL

comment le chancelier de fer s’est ébréché sur la social-démocratie allemande. Mes loisirs seront diminués d’autant. Je crois qu’un très grand nombre d’hommes ont aussi peu de loisir que moi. Je crois qu’à Paris même il y a beaucoup d’hommes au moins aussi occupés que moi. Je crois que les instituteurs, les laboureurs, les maçons, les boulangers, les maréchaux-ferrants, les charrons et les forgerons de Paris et de la province ont beaucoup moins de loisir que moi.

Cependant nous ne sommes pas négligeables. Nous sommes les maçons de la cité prochaine, les tailleurs de pierre et les gâcheurs de mortier. Attachés à la glèbe ainsi qu’au temps passé, attachés au travail, à l’atelier, à la classe, nous ne serons pas plus délégués socialistes aux Parlements socialistes que nous n’avons été députés socialistes aux Parlements bourgeois. Nous préparons la matière dont sont faites les renommées et les gloires publiques. Nous aimons ce que nous faisons, nous sommes heureux de ce que nous faisons, mais nous voulons savoir ce que l’on en fait après nous.

Or nous ne le savons pas, nous n’avons pas le temps de le savoir. Sans être aussi affairés que ce guesdiste qui n’avait le temps de rien lire du tout, parce qu’il fondait des groupes, il est certain que nous n’avons pas le temps de lire tous les journaux et toutes les revues qui nous intéresseraient ; il est certain que nous n’avons pas même le temps de chercher ce qui serait à lire dans les journaux et dans les revues que nous ne recevons pas régulièrement et personnellement.

Enfin, dans les journaux que nous lisons régulièrement, nous ne recevons pas la vérité même. Cela devient évident. Tu sais quel respect, quelle amitié, quelle

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