Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/383

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ligence des textes qui nous sont contemporains. Donc je me disais : Quel bonheur que nous vivions dans le même temps que nos contemporains.

— Monsieur, dit mon cousin, vous avez dit une forte lapalissade.

— Une lapalissade vaut mieux qu’un mensonge. Ou plutôt une lapalissade ne vaut rien. Mais un mensonge vaut mal. Ce n’est pas du même ordre. Aussi aimerais-je mieux dire toute ma vie des lapalissades que de commettre un seul mensonge. Quand on dit beaucoup de lapalissades, on n’est qu’un sot. Mais quand on dit un mensonge on est un malhonnête homme.

— Et par peur de tomber dans le malhonnête, vous versez abondamment dans le sot.

— Oui. Je me disais, au nom de la même méthode historique, je me disais que nous devons recueillir, honnêtement mais scrupuleusement, honnêtement mais soigneusement, tous les renseignements que nous avons sur les auteurs dont nous lisons les textes. Nous devons, honnêtement, mais attentivement, pénétrer leurs intentions, percevoir leurs modalités. Nous devons enfin nous entourer de tous les renseignements nécessaires, indispensables pour la connaissance du texte.

— On voit bien, dit mon cousin, que vous ne connaissez pas les deux méthodes.

— Les deux méthodes ?

— Ne faites pas la bête. Vous connaissez bien les deux morales ?

— Quelles deux morales ?

— Alors c’est moi qui dois vous enseigner. Permettez que je remette à plus tard. Je suis naturellement paresseux. Et on doit vivre conformément à sa nature.