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tout pour nous déplaire. Il est inscrit au groupe. Le citoyen Roland voulut bien lui laisser la parole.

M. Pierre le Febvre parla mal, parce qu’il était ému profondément, parce qu’il était sincère, parce qu’il croyait qu’il avait raison, et qu’ayant pendant sa jeunesse fait son apprentissage pour le métier de forgeron il ne l’avait pu faire pour le métier d’orateur socialiste. Les moins avertis s’aperçurent aussitôt qu’il aimait beaucoup mon petit cousin et que les calomnies l’écœuraient et que ces calomnies en particulier lui faisaient beaucoup de peine. Alors les assistants convoitèrent de calomnier son jeune ami. Les assemblées populaires sont parfois pitoyables aux faibles, aux malheureux. Mais les assemblées parlementaires ne connaissent aucune jouissance plus profonde que d’écraser les faibles, et les malheureux peinés, qui sont les faibles des faibles. Quand les assistants connurent que l’échec de Péguy ferait une grosse peine à son vieil ami le Febvre, un désir politique leur monta de précipiter l’échec de Péguy.

M. le Febvre allait au devant de leurs vœux. Il présentait timidement des arguments ridicules : que mon petit cousin avait pour ainsi dire fondé le groupe au commencement, qu’il avait contribué beaucoup à l’entretien du groupe ensuite, qu’à Paris, comme libraire, il travaillait beaucoup pour le socialisme révolutionnaire, enfin qu’il saurait, au congrès, travailler efficacement à la préparation de la révolution sociale.

On écouta patiemment ces arguments misérables. Puis le citoyen Roland demanda la parole. Notez qu’il parlait le dernier. Par un excès de politesse.

Perpétuel enchantement. Nous connûmes aussitôt que la politesse était son fort. Le citoyen Roland n’est pas