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coup lu. Il sait beaucoup des livres et beaucoup de la vie. Tout appris lui-même. Comment nommez-vous ça ?

— Un autodidacte.

— Un autodidacte. Moi, vous savez, je n’aime pas ça, l’autodidacture.

— L’autodidascalie.

— L’autodidascalie. Je suis pour la dictature impersonnelle, comme le citoyen Vaillant.

— Je vous assure que ces deux mots n’ont rien de commun.

— Taisez-vous. Je ne vous demande pas des renseignements. Je suis pour la dictature impersonnelle du prolétariat. Je vais vous dire. Je n’aime pas l’autodidascalie parce qu’on m’a dit que les autodidactes s’en ressentaient toujours un peu. Je n’aime pas non plus l’autre didascalie, parce que, n’est-ce pas, il ne faut jamais asservir sa pensée. Alors je ne m’instruis pas du tout. C’est comme ça que nous faisons tous dans le parti. Ainsi nous restons libres. Et puis on n’a pas besoin de savoir ce qu’il y a dans le monde bourgeois, puisqu’on va le remplacer un de ces quatre matins. Et ce qu’il y aura dans le monde socialiste on le sait d’avance : tout le monde sera guesdiste. Ou bien les livres sont contraires au programme du parti, — et alors ils sont dangereux. Ou bien ils sont conformes au programme du parti, — et alors ils sont oiseux. Nous ne lisons jamais. Et puis c’est fatigant. Et puis c’est rasant. Et puis c’est intellectuel.

Ce Pierre le Febvre a donc beaucoup lu pour se former et vivre comme un homme et par cela même il nous est désagréable. Et puis c’est un radical. Nous nom-