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Cette violence m’épouvantait et je faisais des platitudes.

— Mon cher Mécontent, je sais malheureusement bien qu’il y a des coquilles dans les cahiers. Mon ami René Lardenois me l’a déjà fait remarquer et sa lettre a été publiée dans le dixième cahier de la première série. Aussitôt que je le pourrai, je lui donnerai une réponse imprimée. En attendant je vais donner réponse orale aux trente-cinq reproches que tu m’as adressés —

— Non, mon cher Péguy, j’ai déjà dépensé huit quarts d’heure de mon temps à te faire ces reproches, parmi tant de reproches que l’on doit te faire. Je n’eusse pas dépensé huit quarts d’heure de mon temps, si ce n’était la profonde amitié que j’ai toujours eue pour toi. Je n’ai pas le temps d’écouler ta défense. Mon temps est cher. Certains devoirs laïques me rappellent ailleurs. Adieu.

Il s’en alla sans me donner la main.

Mon ami Pierre Baudouin le philosophe et mon ami l’historien Pierre Deloire étaient devenus plus soucieux.

— Nous venons, dirent-ils, te souhaiter la bonne année.

— Nous venons te souhaiter la bonne année, répéta sérieusement Pierre Deloire. Au temps que j’avais ma grand mère, qui ne savait pas lire, et qui était la femme la meilleure que j’aie connue, je lui souhaitais la bonne année en lui disant : Grand mère, je te souhaite une bonne année et une bonne santé, et le paradis à la fin de tes jours. Telle était la formule usitée parmi le peuple de ma province. Ma grand mère est morte, et je ne sais pas si elle est en paradis, parce que je suis his-