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le prix de vente, pour encourager la propagande, était scandaleusement abaissé. Même quand l’ouvrage était édité en partie par souscription, le calcul des frais n’impliquait pas les frais généraux de la maison. — Je mis toutes mes dernières finances, tout mon dernier travail sur le livre de Jaurès l’action socialiste. Je pensais que ce livre serait un merveilleux moyen de propagande moralement socialiste. Il y a là des pages vraiment impérissables et définitives. Le livre ne se vendit pas. Événement incroyable : on eut honte de lui. Au commencement des deux allées qui forment cette première série, au seuil des deux avenues les premières pages ne sont pas d’un socialisme exactement fixé. Rien de plus historique, de plus naturel, de plus convenable, de plus inévitable et je dirai de plus indispensable puisque justement il s’agit ici de l’explicitation d’un socialisme implicite d’abord, puisqu’il s’agit ici d’un socialisme en mouvement, en action. Comme si la propagande ne consistait pas justement à se situer au commencement des allées pour pouvoir se transporter avec le lecteur ou l’auditeur jusqu’à leur aboutissement. Comme si la conversion n’était pas un mouvement, un voyage en esprit. Mais le souci d’orthodoxie fixe, d’orthodoxie en repos qui a envahi tout le socialisme français déjà conspirait à étouffer ce livre. Jaurès, par humilité ou par embarras, n’en a jamais, du moins à ma connaissance, dit ou écrit un mot. La Petite République ne lui a jamais fait une sérieuse publicité. Il retomba de tout son poids sur le dos de l’éditeur.

Je distingue des causes qui sont pour ainsi dire de fondation. La première année d’une entreprise est toujours onéreuse. Quoi qu’on m’en ait dit, c’est une lourde occupation que de trouver un local et d’essuyer les plâtres.

Je distingue des causes qui à distance me font encore beaucoup de plaisir. J’accueillis comme éditeur le Mouvement Socialiste à sa naissance et lui procurai le plus d’abonnés que je pus. J’accueillis l’initiateur des Journaux pour