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liste universel, une image au moins exactement sévère du monde bourgeois. En France les anciens partis socialistes, les anciennes écoles et les anciennes sectes s’éliminaient d’eux-mêmes selon les exigences naturelles de la vieillesse. Pas même il n’était besoin de se faire enseigner leurs noms. Guesde et Vaillant disparaissaient déjà, et l’incompatible Allemane avec eux, dans l’avantageux éloignement de l’histoire. Les générations montantes seraient enfin neuves des vieilles injures, blanches des vieilles saletés. Il n’y avait plus qu’à faire le journal socialiste pour les générations montantes.

D’ailleurs ces jeunes citoyens avaient à eux, en eux et venant d’eux, quelques idées simples. Idées qu’ils n’avaient pas demandées à leurs maîtres, mais que ces bons maîtres encourageaient volontiers, car ils étaient au fond de braves gens, et ils ne savaient pas que les idées simples étaient si redoutables. Parfois même je me demande si ces maîtres n’avaient pas fini par accepter comme étant véritables cette image du monde et ces renseignements qu’ils voulaient bien communiquer à leurs élèves et à leurs amis. Car ils se soumettaient sans doute eux-mêmes aux moyens d’élevage qu’ils imposaient au-dessous d’eux. Cette idée simple, et vivace, était que nous devons commencer par vivre en socialistes, que nous devons commencer la révolution du monde par la révolution de nous-même, que toutes les théories et toutes les phrases ne valent pas un acte socialiste, que chacun doit commencer par socialiser sa vie, que la conversion au socialisme suppose un don sans réserve des intérêts sous l’entière maintenue des droits, un abandon sans réserve des sentiments sous la pleine indépendance et liberté de la raison.

C’est pour cela que non seulement nous fîmes, après tant de gens, le plan d’un journal socialiste, mais si l’on veut bien y regarder, le plan d’un journal socialistement socialiste. Formé presque instantanément, tant il était