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y a de bon dans ce que vous nommez la Révolution Sociale que toutes les boutades et tous les calembours des journalistes. Faisons des livres épais.

— Très lourds.

C’était mon ami René Lardenois qui se réveillait.

— Non, mon ami, je n’interrompais pas notre ami Pierre Baudouin. Le malheureux continuait comme il voulait. Et je me serais fait un scrupule de le troubler. D’abord je connais à peu près bien tous ses sentiments, et je ne m’en moque jamais, surtout devant lui. Puis rien de sa part ne saurait m’étonner. Enfin le pauvre malheureux, s’il est parfaitement décidé à n’écrire que des dialogues, poèmes, histoires, drames, et autres grandiloquences, a été si longtemps privé d’écrire ce qu’il voulait et de parler comme il voulait, qu’il se laisse inattentivement aller à laisser déborder sa parole non écrite, sous n’importe quelle forme, et qu’il y aurait eu quelque cruauté à vouloir endiguer ce débordement.

— Alors il consent à parler en prose ?

— Il parle comme il peut.

Je lui demandai seulement si, après cette vive critique, il avait encore l’intention de s’abonner aux cahiers, que je lui servais éventuellement.

— Oui, me répondit-il, comme si cette réponse allait de soi. Car j’ai beau vous désapprouver hautement, je sais trop comme il est difficile de faire le commencement de n’importe quoi, loin qu’on puisse faire n’importe quoi, pour me donner le désavantage de contribuer à vous tuer, vos cahiers et vous. Je suis occupé à vendre une terre que ma femme avait en Bourgogne ; cette vente me rapportera quelques centaines de francs. Elle